Ressortissant de la province du Salamat, au sud-est du Tchad, Abdoulaye Zakaria Ahmat s’est construit un parcours scientifique guidé par une conviction simple : un territoire ne peut être compris, aménagé ou protégé sans la maîtrise de ses propres référentiels géographiques. De N’Djamena à l’ingénierie géospatiale de haut niveau. De la topographie de terrain aux systèmes géospatiaux avancés, son itinéraire incarne une nouvelle génération d’ingénieurs africains formés à l’international et tournés vers la souveraineté scientifique.
Formé d’abord en génie civil puis en topographie, il acquiert sur le terrain une connaissance concrète des infrastructures, des levés et de la réalité physique des territoires. Cette approche pragmatique, nourrie par des contextes où la donnée fait souvent défaut ou manque de précision, le conduit progressivement vers les systèmes d’information géographique (SIG), la photogrammétrie et la modélisation 3D.
Admis à l’INSA Strasbourg, il approfondit ces disciplines dans un cadre académique exigeant, combinant rigueur mathématique, géodésie, traitement de l’image et vision par ordinateur. La mobilité internationale renforce cette formation et ouvre une réflexion plus large sur la place de l’ingénierie géospatiale dans la prise de décision publique, la gestion des infrastructures et le suivi environnemental.
Mais au-delà des outils et des technologies, une question de fond structure sa démarche : sur quels référentiels spatiaux reposent les données utilisées en Afrique ?
Au fil de ses travaux, il prend conscience de la dépendance persistante de nombreux pays à des systèmes géodésiques définis ailleurs, souvent peu adaptés aux réalités locales.
De cette réflexion naît une ambition scientifique forte : contribuer, à terme, à la définition d’un ellipsoïde de référence adapté au Tchad. Un objectif rarement porté par de jeunes ingénieurs, mais central dans une logique de souveraineté géodésique. « Développer un ellipsoïde de référence n’est pas un simple exercice théorique. C’est, poser les bases d’une géométrie du territoire plus précise, plus cohérente, et réellement utile aux infrastructures, à l’aménagement et à la production de données fiables ».
Cette ambition s’inscrit dans une vision plus large : permettre aux États africains de produire, maîtriser et exploiter leurs propres données spatiales, qu’il s’agisse de cartographie, de suivi environnemental, de gestion de l’eau ou d’infrastructures structurantes. Ses projets s’orientent ainsi vers des plateformes SIG, des visualisations 3D et des outils d’aide à la décision, pensés pour être accessibles aux chercheurs, aux institutions et aux acteurs publics.
Issu d’une province comme le Salamat, marquée par l’éloignement des grands centres de décision et le manque d’infrastructures scientifiques, il revendique cet ancrage comme une force. Il nourrit une attention particulière aux territoires dits « périphériques », souvent absents des bases de données précises, mais pourtant centraux dans les enjeux environnementaux et de développement.
À la croisée du terrain, de la science et de la réflexion stratégique, Abdoulaye Zakaria Ahmat incarne une ingénierie du XXIᵉ siècle : exigeante sur le plan scientifique, consciente de ses responsabilités et résolument tournée vers l’utilité territoriale. Une trajectoire qui illustre comment la maîtrise des fondements géodésiques peut devenir un levier de souveraineté, bien au-delà de la simple technologie.
Mahamat Abdelbanat Kourma


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