21 avril 2023

L’Inde, une première puissance démographique en quête de miracle économique



D’après les chiffres publiés le 19 avril par les Nations unies, la population de l’Inde dépassera bientôt celle de la Chine. Elle comptera plus de 1,4 milliard d'habitants d'ici à la fin de l'année. Devenir le pays le plus peuplé au monde sera-t-il un avantage ou un frein à sa croissance ?



Une population nombreuse implique un grand marché et une main-d’œuvre fournie. C’est donc a priori favorable à l’économie, à condition que la croissance suive pour assurer un revenu décent à tous les habitants. Les deux géants voisins et rivaux que sont l'Inde et la Chine ont toujours considéré leur démographie surabondante comme un handicap.


Mais être le pays le plus peuplé au monde n'a pas empêché la Chine de devenir, en quarante ans, la deuxième puissance économique mondiale. La volonté de satisfaire les besoins de tout un chacun a même été un aiguillon dans sa fabuleuse progression. L’Inde n’a pas été en mesure de soutenir le rythme. Dans les années 1990, leur PIB par habitant était équivalent. Aujourd’hui, celui de la Chine est de 13 000 dollars. C’est cinq fois moins en Inde, 2 500 dollars seulement.


L’Inde peut-elle rattraper son retard ?

L’an dernier, l’économie indienne a dépassé celle du Royaume-Uni, pour se hisser au cinquième rang mondial. Elle a enregistré une croissance forte en 2022, de l'ordre de 8% et compte encore sur 7% cette année. Elle a donc trouvé un nouvel élan. La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis lui est bénéfique. On pense bien sûr à Apple qui ouvre un magasin et une usine en Inde.


Il n’y aura pas pour autant de miracle indien. Pour rattraper le niveau de richesse de la Chine de 2023, il lui faudrait une croissance de 10% pendant quasiment vingt ans d'affilée. Une prouesse inimaginable avec l'environnement actuel des affaires.


Se moderniser


L'Inde doit se moderniser pour attirer plus d’investissements étrangers et trouver un nouveau modèle, car le rôle de premier atelier du monde est déjà occupé par la Chine qui a développé un avantage compétitif et la rend difficile à rattraper. Depuis l'arrivée au pouvoir de Narendra Modi, les routes, les autoroutes ou les aéroports ont poussé comme des champignons. Mais cela ne suffit pas pour convaincre les investisseurs.


La logistique est encore insuffisante, inférieure à celle de la Chine, la main-d’œuvre indienne est moins chère, mais nettement moins productive qu’en Chine et le protectionnisme ambiant rebute les investisseurs. Résultat, l’Inde ne créée pas assez d’emplois pour sa jeunesse. Le taux de chômage grimpe à 40% chez les moins de 25 ans. Ce n’est pas nouveau, mais le problème va devenir encore plus aigu, car les moins de 25 ans représentent presque la moitié de la population.


Atout démographique relatif


Disposer d’une population jeune et éduquée est un avantage envié par tous les pays industrialisés, Chine comprise, confrontés au déclin de leur population active. Mais quand cette classe d’âge ne parvient pas à s’insérer dans la vie active, cet atout peut se transformer en calamité, en creuset d'inégalités, de frustration et de troubles sociaux.


Ce sous-emploi indien n'a pas que des causes économiques. Seulement deux femmes sur dix travaillent en Inde, contre six sur dix en Chine. Les emplois qu’on leur propose sont sous-payés, elles préfèrent donc rester à la maison. Mais la majorité d’entre elles n’a même pas ce choix. C’est sous la pression des maris qu’elles renoncent à la vie active. L’emploi des femmes est pourtant une des clés de la croissance, un constat qui se vérifie dans le monde entier.


RFI 

20 avril 2023

Au Soudan, Khartoum se vide de ses habitants



Les civils tentent de fuir les combats alors que tous les cessez-le-feu annoncés ont été violés par les forces des deux généraux rivaux.



Un engrenage s’est enclenché au Soudan que rien ne semble pouvoir arrêter. Pas même les commandants des deux armées qui s’affrontent. Depuis samedi 15 avril et le début des affrontements entre les Forces armées soudanaises (FAS), dirigées par le général Abdel Fattah Al-Bourhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), menés par Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », les trois cessez-le-feu qui ont été annoncés ont volé en éclats.


Cinq jours durant depuis samedi, les habitants de la capitale, Khartoum, où se concentrent avec le Darfour la plupart des combats, n’ont eu aucun répit. L’armée régulière multiplie les frappes aériennes sur les positions des FSR, désormais considérées comme des rebelles par l’état-major. Les paramilitaires y répondent avec leurs canons antiaériens et des salves de tirs à l’arme lourde.


Les deux camps procèdent à des tirs d’artillerie au milieu des habitations. Des ambassades ont été touchées. Des obus tombent au hasard, éventrant les maisons, soufflant les toitures. Près de 300 personnes ont déjà été tuées dans les affrontements et plus de 3 000 blessées, selon l’Organisation mondiale de la santé. Trente-neuf hôpitaux sur les 59 que compte la capitale ne sont plus opérationnels, privés d’électricité, de personnel et de matériel. Neuf d’entre eux ont été bombardés. Certains civils blessés par des balles perdues se traînent jusqu’aux urgences pour se retrouver face à des portes closes et devoir rebrousser chemin.


Evacuations délicates

S’extirpant de l’enfer des combats, laissant des cadavres de soldats gisant dans la poussière et des carcasses de blindés calcinés, des milliers de personnes ont fui la ville. Pendant des décennies, Khartoum a accueilli les centaines de milliers de Soudanais déplacés par les conflits armés ayant fait rage aux quatre coins du pays. Elle se vide, pour la première fois de son histoire, de ses habitants.


Les FSR, qui contrôlent une grande partie du centre de la ville, ont annoncé la création d’un numéro d’urgence pour évacuer des civils en détresse. Au même moment, leurs soldats continuaient de pénétrer dans des habitations, s’adonnant aux pillages, arrêtant arbitrairement des habitants et utilisant certaines maisons comme centres d’opération. Des travailleurs humanitaires ont été attaqués et plusieurs agressions sexuelles recensées, dont un cas de viol impliquant une expatriée japonaise. Le gouvernement nippon est le premier à avoir déclaré mercredi 19 avril qu’il s’apprêtait à évacuer ses ressortissants.


Ce genre d’opération s’annonce extrêmement délicate, alors que les tirs et les bombardements sont constants et que l’aéroport de Khartoum reste inutilisable. Surtout, les milieux diplomatiques sont sceptiques quant à la crédibilité des cessez-le-feu annoncés à intervalles réguliers par les deux parties. Les généraux Al-Bourhane et Hemetti ont prouvé à maintes reprises, depuis leur coup d’Etat du 25 octobre 2021, qu’ils excellaient dans l’art du double discours et peinaient à maîtriser leurs propres troupes.


« Depuis le règne d’Omar Al-Bachir, le pays connaît une miliciarisation croissante. Les chaînes de commandement ne sont pas parfaitement verticales », analyse Hafiz Ibrahim, défenseur des droits de l’homme pour l’organisation Justice Africa. Bien que les FSR, nées des milices janjawids qui ont sévi au Darfour au début des années 2000, tentent de se présenter comme une armée moderne et disciplinée, elles comptent dans leurs rangs des bataillons de soldats rompus aux exactions. Dans le camp opposé, « l’armée régulière est gangrenée par le courant islamiste, qui entretient des liens étroits avec de nombreux officiers et contrôle des milices qui suivent leur propre agenda et ne répondent pas directement aux ordres » du général Al-Bourhane, poursuit-il.


Conflit à mort

Mercredi soir, un nouveau cessez-le-feu d’une journée a été accepté par les deux camps. Les combats ont perdu en intensité, mais se poursuivaient encore sporadiquement dans la capitale. Les deux armées profitent de l’accalmie pour faire bouger leurs hommes et rapatrier des renforts vers la capitale.


Les FAS, qui semblent contrôler les grandes villes dans l’est et le sud du pays, de la mer Rouge aux montagnes du Kordofan, ont dépêché à Khartoum des régiments stationnés jusqu’alors dans la région de Gedaref, à la frontière éthiopienne. Des affrontements ont eu lieu aux alentours d’El-Obeid, au centre, alors que des colonnes de l’armée régulière remontant vers la capitale ont été interceptées par des FSR, qui semblent être bien établies au Darfour.


L’ouest du Soudan est également plongé dans le noir et dans les flammes. Les habitants se retrouvent sous les bombardements des forces rivales, qui se disputent les sites stratégiques de cette région. « El-Fasher est un tas de cendres », résume Huzeifa El-Fil, un habitant de la ville, alors que les FSR ont redoublé leur offensive sur les quartiers généraux des FAS aux abords de la ville. Dans le sud du Darfour, la ville de Nyala est le théâtre de « pillages et d’attaques de miliciens, venus du nord de la ville, notamment de Oum Al-Qura, connu pour être le fief de la famille de Hemetti », qui s’engouffrent dans le sillage des FSR, selon un journaliste travaillant pour l’ONG Darfur Monitors.


Cinq jours après le début des hostilités, aucun camp ne semble prendre l’avantage. Les deux généraux rivaux, qui restent sourds aux appels à la désescalade de la communauté internationale, sont embarqués dans un conflit à mort. Une spirale incontrôlable, alimentée par certains pays voisins, selon les informations du Wall Street Journal. Alors qu’un avion chargé de munitions, affrété par le général libyen Khalifa Haftar, serait parvenu aux FSR, les FAS bénéficieraient d’un appui aérien égyptien pour mener leurs opérations.



Le Monde

Eliott Brachet(Khartoum, correspondance)

Tchad : plus de 300 soldats soudanais désarmés à la frontière par l'ANT



Le général Daoud Yaya, ministre de la défense, était présent lors d'une conférence de presse tenue ce mercredi 19 avril. Au cours de cette conférence, il est revenu sur la situation actuelle au Soudan et a rassuré sur les mesures prises par l'État tchadien pour assurer la sécurité de ses citoyens.



Le ministre a affirmé que le Tchad a mis en place un comité de crise composé de six ministres, y compris le chef d'état-major général des armées, pour faire face aux escalades au Soudan. Il a également déclaré qu'un dispositif sécuritaire avait été mis en place à la frontière pour éviter tout débordement.



Le général Daoud Yaya a ensuite signalé l'arrivée de soldats soudanais à la frontière Tchad-Soudan, mais a assuré que les forces de défense et de sécurité du Tchad avaient réussi à les désarmer, faisant ainsi échec à une éventuelle infiltration. Il a précisé que 320 soldats soudanais avaient été désarmés par les forces tchadiennes.



Le ministre a également évoqué la situation des Tchadiens qui se trouvent actuellement au Soudan. Il a rassuré que le gouvernement avait pris toutes les dispositions pour assurer leur sécurité et les avait invités à se rassembler dans un lieu unique pour faciliter leur prise en charge en cas de besoin. Il a également encouragé les Tchadiens à communiquer avec l'ambassade du Tchad au Soudan grâce au numéro vert mis à leur disposition.



Le général Daoud Yaya a enfin appelé les médias à jouer leur rôle en relayant les informations nécessaires à l'opinion nationale et internationale. Il a souligné que la situation au Soudan ne concernait pas directement le Tchad mais que le pays voisin préférait une solution rapide à cette crise pour éviter une dégradation de la situation à l'ouest du Soudan, ce qui aurait des répercussions sur le Tchad.


Alwihda Info

Soudan : les habitants de Khartoum cherchent la sortie d’urgence



Au cinquième jour du conflit au Soudan, de nombreux riverains de la capitale Khartoum ont profité d’une relative accalmie pour quitter la ville. Le bilan approche les 300 morts tandis que les combattants terrorisent les citoyens jusque dans les foyers.




Un imposant sac plastique à la main, Salahadin Abakar marche depuis plus de trois heures sous un soleil de plomb. « Nous prendrons ce que nous trouverons, une voiture ou un bus », souffle cet agent de sécurité avant de poursuivre son chemin vers la gare routière la plus proche. Des dizaines de citoyens aux bras chargés remontent une artère de l’est de Khartoum, la rue 60, en direction de ladite gare.


Le silence ambiant tranche avec les bombardements intermittents qui se poursuivent ce mercredi 19 avril, au cinquième jour du conflit entre l’armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR). Un bilan provisoire recense 296 victimes. Les tirs sont néanmoins plus espacés que les journées précédentes, alors que de nombreuses familles tentent de se mettre à l’abri, loin de la capitale.


Un coûteux périple

La plupart d’entre elles prévoient de rejoindre Wad Madani, à 200 kilomètres au sud. « Nous ne sommes pas en sécurité ici », dit simplement Osman Ahmed, depuis la rue 60. Djellaba blanche et tagiya (chapeau islamique) assortie, ce sexagénaire est en quête d’un véhicule à louer afin de transporter ses filles et ses huit petits-enfants vers le sud. Il s’apprête à débourser 170 000 livres soudanaises, soit 260 €. « Ces entreprises profitent de la situation », peste-t-il.


Dans le même temps, à Wad Madani, des riverains ouvrent leurs portes aux inconnus. Mohamed Mahrogi est propriétaire d’un dortoir pour étudiantes, vidé de ses pensionnaires à l’approche de l’Aïd. Mardi soir, il a posté une annonce sur les réseaux sociaux pour proposer sa cinquantaine de lits « aux personnes de Khartoum et des autres États affectés par la guerre ». Depuis, son téléphone n’arrête pas de sonner.

Wad Madani est en effet épargnée par les conflits, en raison de l’absence de base paramilitaire. « La situation est complètement différente ici. Les habitants vivent leur vie normalement. Certains doivent penser que la guerre est une blague », ironise Abdalla Mahjoub, 23 ans. Il a lui-même effectué le trajet la veille, avec ses parents.


Les paramilitaires en quête d’argent dans les immeubles


« Nous dormions sous nos lits depuis qu’un FSR s’était mis à tirer en l’air au deuxième jour du conflit. Une balle a atteint notre balcon. Il n’y avait aucun militaire autour. Le seul objectif de ce milicien consistait à terroriser les civils », dénonce ce dentiste, dont le logement est privé d’eau et d’électricité. Souvent très jeunes, et envoyés tout droit du Darfour (ouest du pays) dans les semaines précédant l’offensive, les FSR sèment ainsi la terreur dans la capitale.


Soudan : le général Dagalo à la conquête du pouvoir


Amira Abdelgader ne parvient pas à retenir ses larmes. Cette mère célibataire est barricadée, seule, avec ses deux petits de 5 et 6 ans. Ce mercredi matin, elle s’apprêtait à prendre le bus, direction Port-Soudan, dans l’Est, quand des FSR ont fait irruption dans son immeuble. « Ils ont frappé à la porte de ma voisine, raconte cette professeure de mathématiques. Je l’ai entendue répéter qu’elle avait un bébé et qu’elle n’avait rien à leur donner. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé. Nous entendions seulement le son de leurs bottes sur le sol… » Traumatisée, elle n’ose pas regarder si ces derniers sont toujours en bas de chez elle.


« Nous connaissons leurs méthodes. Ils veulent voler de l’argent, des téléphones ou des voitures et violer des filles », poursuit Amira Abdelgader. Beaucoup d’habitants de Khartoum cherchent par tous les moyens à s’extirper de ce chaos. Tout en redoutant de se faire arrêter, voler ou agresser sur la route au passage d’un point de contrôle. Aux mains de l’un ou l’autre des belligérants.




  • Reportage, Augustine Passilly, correspondante de La Croix à Khartoum.

19 avril 2023

Soudan : cinq questions sur les combats meurtriers qui opposent deux généraux et déchirent le pays



Depuis samedi 15 avril, de violents affrontements au Soudan opposent l’armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhane et les forces paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo. D’après l’Onu, les combats ont déjà fait près de 200 morts et au moins 1 800 blessés. On fait le point sur la situation au cinquième jour des combats.

Une centaine de civils ont été tués dans la guerre désormais ouverte entre les deux généraux aux commandes du Soudan depuis leur putsch d’octobre 2021.

Depuis des semaines, les 45 millions de Soudanais regardaient, anxieux, le fossé se creuser entre le commandant de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, et son numéro deux, Mohamed Hamdane Daglo, dit « Hemedti », patron des Forces de soutien rapide (FSR).

Samedi, leurs hommes se sont lancés dans une bataille rangée et depuis, Khartoum et d’autres villes tremblent sous les tirs et les raids aériens. On fait le point sur la situation.


1. Comment en est-on arrivé là ?

En octobre 2021, les deux généraux ont fait front commun pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019.

« Un mariage de raison » pour le putsch, explique à l’AFP le chercheur Hamid Khalafallah. « Ils n’ont jamais eu de partenariat sincère mais des intérêts communs face aux civils ».

Et les brèches de l’union sacrée sont rapidement apparues au grand jour : Le chef des Forces de soutien rapide (FSR), Hemedti, a plusieurs fois dénoncé l’« échec » d’un putsch qui a réinstauré « l’ancien régime » de Béchir, selon lui. Puis le conflit s’est intensifié quand il a fallu signer les conditions d’intégration de ses hommes aux troupes régulières, dans le cadre de l’accord avec les civils qui devait relancer la transition démocratique.

Pour les experts, cet accord a ouvert la boîte de Pandore : en laissant les militaires négocier entre eux, « Hemedti est passé du statut de second à celui d’égal de Burhane », affirme à l’AFP Kholood Khair, qui a fondé le centre de recherche Confluence Advisory à Khartoum. Se sentant « plus autonome face à l’armée », Hemedti a vu une opportunité de réaliser « ses très grandes ambitions politiques », abonde auprès de l’AFP Alan Boswell, en charge de la Corne de l’Afrique à l’International Crisis Group.

Samedi 15 avril, une ligne a été franchie. Désormais l’opposition entre les deux généraux à dégénérer en violences.


2. Qui sont Abdel Fattah al-Burhane et Hamdane Daglo ?

Abdel Fattah al-Burhane. Le général al-Burhane incarne le visage du pouvoir militaire au Soudan, un pays quasiment toujours sous la coupe de l’armée depuis son indépendance en 1956. Ce général âgé aujourd’hui de 62 ans est le commandant de l’armée.

Natif de Gandatu, un village au nord de Khartoum, Abdel Fattah al-Burhane a servi sous l’ancien président Omar el-Béchir en tant que commandant de l’armée de terre. En 2019, il prend la tête de l’armée lorsque le dictateur est renversé le 11 avril après quatre mois de contestation populaire déclenché par le prix du pain, et dirige le Conseil de souveraineté, pour superviser la transition vers la démocratie.

Mais à l’aube du 25 octobre 2021, à la surprise générale, le général Burhane annonçait à la télévision arrêter la quasi-totalité des ministres et responsables civils avec qui il formait un gouvernement.

Hemedti qui était pourtant à ses côtés, dénonce depuis un « échec » et qualifie le général Burhane de « criminel ».


Mohamed Hamdane Daglo. Issu des milices qui ont semé la terreur au Darfour, le général Mohamed Hamdane Daglo dit « Hemedti » s’est imposé comme un acteur incontournable de la politique et de l’économie au Soudan.

Depuis 2013, il dirige les Forces de soutien rapide (FSR), grand supplétif paramilitaire créé par le dictateur Omar el-Béchir. Le 25 octobre 2021, Hemedti prête main-forte au chef de l’armée régulière, le général Abdel Fattah al-Burhane, qui mène un putsch pour évincer les civils. Hemedti devient alors le numéro deux du pouvoir militaire.

Mais aujourd’hui, le chef des FSR dit avoir changé et est devenu l’ennemi juré d’al-Burhane. Après avoir été un rouage de la dictature militaro-islamiste du général Béchir, il se pose désormais en parangon de l’État civil et en adversaire farouche de l’islam politique. Il s’aligne désormais sur les civils pour dénoncer l’armée et se réclamer des « acquis de la révolution » de 2019.

Depuis des mois, il s’est invité sur les réseaux sociaux, multipliant les comptes sur Facebook, Instagram ou même TikTok pour s’adresser aux plus jeunes – deux tiers des Soudanais ont moins de 30 ans.


3. Où en sont les combats ?


Depuis samedi, les combats se concentrent surtout à Khartoum et dans la région du Darfour (ouest). Mardi, dans la soirée, des tirs et des explosions ont encore secoué la capitale, en dépit d’appels à la trêve, au quatrième jour de combats entre l’armée et les paramilitaires.

À l’issue d’une médiation du Soudan du Sud, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), et l’armée s’étaient pourtant engagées à une trêve de 24 heures pour évacuer les civils des régions les plus dangereuses.

Mais les explosions, colonnes de fumée, odeur de poudre et rafales de tirs ont continué. « Il n’y a aucun signe d’apaisement à Khartoum et dans plusieurs autres zones », constatait l’Onu dans la soirée.

L’armée et les FSR se sont empressés de s’accuser mutuellement d’avoir « violé la trêve ». Pour l’heure, impossible de savoir qui contrôle les institutions et lieux de pouvoir. Les deux camps disent par communiqués interposés tenir l’aéroport, le palais présidentiel ou encore le QG de l’état-major.


4. Quel est le bilan humain ?

Les violences ont fait depuis samedi plus de 185 morts à travers le pays, selon l’Onu, et poussé plusieurs ONG et agences onusiennes à suspendre toute aide.

Lundi, un convoi diplomatique américain a essuyé des tirs et l’ambassadeur de l’Union européenne a été « agressé dans sa résidence » à Khartoum. La diplomatie soudanaise, loyale au général al-Burhane, a accusé les FSR.

Du côté des blessés, l’Onu recensait mardi 1 800 blessés, et sûrement beaucoup plus tant l’accès aux zones de combats est difficile, pour les patients comme pour les médecins.

Au Darfour, bastion du général Hemedti et de milliers de ses hommes qui y ont mené des atrocités durant la guerre lancée dans cette région en 2003, Médecins Sans Frontières (MSF) a dit avoir accueilli en trois jours 183 blessés, « dont beaucoup d’enfants » dans son dernier hôpital fonctionnel.

Ce mercredi, ce sont par milliers que des femmes et des enfants ont pris la route vers les provinces hors de Khartoum.


5. Comment réagit la communauté internationale ?

Lundi 18 avril, au troisième jour des combats, le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres appelait les deux généraux rivaux à cesser les affrontements. « Je condamne fermement le déclenchement des combats qui ont lieu au Soudan et appelle les dirigeants des forces armées du Soudan et des Forces de soutien rapide à cesser immédiatement les hostilités, restaurer le calme et commencer un dialogue pour résoudre la crise », a-t-il déclaré.

Dès le début des combats, l’Onu, Washington, Paris, Moscou, Ryad, l’Union africaine, la Ligue arabe, l’Union européenne, les membres du G7 et même l’ancien Premier ministre civil Abdallah Hamdok ont appelé à un cessez-le-feu « immédiat », pour l’instant sans effet, l’accord de mardi ayant échoué.

Samedi, la France exprimait notamment sa « vive inquiétude » face à la situation, appelant les deux parties à « tout mettre en œuvre pour faire cesser » les violences. « Seul le retour à un processus politique inclusif, conduisant à la nomination d’un gouvernement de transition et à des élections générales, peut régler durablement cette crise », a estimé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.


Ouest-france

Soudan : pas de trêve en vue au cinquième jour d'intenses combats



Le Soudan et sa capitale sont toujours en proie à l'affrontement des deux plus hauts responsables militaires : l'armée régulière du général Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan affronte les Forces de soutien rapide (FSR) restées loyales au général Mohammed Hamdan Dogolo, dit Hemedti. Entre ces deux généraux, Khartoum est devenue un immense champ de bataille. Les trêves et les cessez-le-feu ne tiennent jamais plus de quelques minutes.



Le Soudan et sa capitale sont toujours en proie à l'affrontement des deux plus hauts responsables militaires : l'armée régulière du général Abdel Fattah Abdelrahmane al-Burhan affronte les Forces de soutien rapide (FSR) restées loyales au général Mohammed Hamdan Dogolo, dit Hemedti. Entre ces deux généraux, Khartoum est devenue un immense champ de bataille. Les trêves et les cessez-le-feu ne tiennent jamais plus de quelques minutes.




Au cinquième jour des combats, les échanges de tirs et les détonations n’ont pas cessé. Toute la nuit, la ville a tremblé. À 18 heures mardi soir, l’heure convenue pour le début de la trêve, les affrontements avaient encore lieu aux quatre coins de la capitale.



Les deux camps s’accusent mutuellement d’avoir violé le cessez-le-feu. Ni Al-Burhan, ni Hemedti ne semblent respecter les engagements qu’ils prennent vis-à-vis des chancelleries internationales, qui n’ont de cesse d’appeler à la désescalade. Ce mercredi matin, d’importantes frappes ont lieu dans le centre-ville, autour du palais présidentiel et du commandement des forces armées. Un immense panache de fumée obscurcit Khartoum.



Une situation hors de contrôle


Les civils, eux, n’ont pas trouvé le sommeil. L’objectif de la trêve qui n’a pas eu lieu était de leur permettre d’évacuer les zones de guerre, faire des provisions, transporter les blessés dans les hôpitaux ou enterrer dignement leurs morts, car des cadavres jonchent les rues de la ville.



Des petits groupes de personnes ce matin se dirigent vers le sud de Khartoum avec quelques affaires emportées à la hâte dans des sacs plastiques. Contrairement aux dires de l’armée ces derniers jours, ce sont plutôt les Forces de soutien rapide restées loyales (FSR) du général Hemedti qui occupent et contrôlent de larges pans de la capitale. Dans les quartiers résidentiels, les miliciens ont procédé à des arrestations, des pillages et des exactions contre les civils. La situation semble hors de tout contrôle.


Avec Eliott Brachet, envoyé spécial de rfi à Khartoum.

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